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Les orages dans de l’air tropical continental
A priori, la masse d’air semble présenter les mêmes caractéristiques que l’air continental, avec seulement avec quelques degrés en plus à tous les niveaux. Pourtant il existe pas mal d’autres différences.
En général, cette masse d’air est plus sèche que la précédente car elle trouve son origine en Afrique du Nord, voire carrément au Sahara. En plus, en passant au-dessus des Alpes ou des Pyrénées, l’air se débarrasse à nouveau de l’humidité pompée en Méditerranée (effet de foehn). Cela veut dire que dans la plupart des cas, en dépit d’une grande instabilité en journée au-dessus des sols surchauffés, cette masse d’air est peu propice aux orages en raison du manque d'humidité.
Dans nos régions, toutefois, il faut tenir compte de l’historique météorologique qui a précédé l’arrivée de cette masse d’air. Dans les étés humides dans leur ensemble, où la remontée d’air tropical continental ne dure que quelques jours, l’humidité peut rester suffisante pour mener à des orages. La situation peut même devenir explosive pour les raisons que je décrirai ci-dessous.
1. Le sol, s’il est encore trempé par des précipitations antérieures, humidifie les couches inférieures de l’atmosphère, alors que les couches moyennes restent sèches et chaudes en raison d’un vent de sud soutenu et desséché par effet de foehn. Le gradient de température y reste donc élevé aussi (proche de l’adiabatique sèche), ce qui veut dire que la couche est très instable (avec formation possible d’altocumulus castellanus). Le réchauffement des basses couches humides, par contre, est quelque peu ralenti et peut former une légère inversion vers 1000 ou 1500 mètres d’altitude. Par la suite, le sol finit par se réchauffer quand même sous l’effet du soleil, et l’air endessous de l’inversion devient instable à son tour. Tant que l’inversion résiste, il ne se passe rien, le temps est tout au plus un peu brumeux, avec une chaleur humide suffocante. Par contre si l’inversion est percée, et surtout si elle est percée très localement, il se forme une cheminée d’ascendance ultra-puissante, qui aspire en un endroit tout l’air environnant qui était resté coincé sous l’inversion. En plus, cette colonne d’air humide, en montant, atteint très vite le point de saturation et ne se refroidit plus qu’à 0,5°C par 100 mètres à partir de ce moment. L’air sec autour de la colonne, lui, possède un fort gradient, ce qui fait que la cheminée d’ascendance devient rapidement beaucoup plus chaude que l’air environnant, ce qui accélère encore son ascendance, ascendance qui ne cessera qu’à la tropopause, située parfois à 15 000 mètres dans l’air tropical. Il peut en résulter un orage extrêmement violent avec un cumulonimbus atteignant des hauteurs faramineuses (car par inertie, la tropopause déjà haute est en plus percée par le nuage).
2. La structure du vent en altitude. Contrairement à l’air continental stagnant dans un marais barométrique, l’air tropical continental est généralement acheminé par l’effet combiné d’un anticyclone (à l’est) et une dépression (à l’ouest), l’anticyclone s’éloignant et la dépression s’approchant. À haute altitude, cela signifie souvent la fin d’un blocage oméga et le retour progressif à une situation zonale. On observe dans ce cas un renforcement du vent avec l’altitude avec un changement de direction (sud-est dans les basses couches, sud dans les couches moyennes et sud-ouest dans les couches élevées). Ceci provoque des wind-shears qui peuvent à leur tour renforcer l’orage et surtout prolonger sa vie. En effet, les précipitations sont déviées dans leur chute et ne tombent plus dans la cheminée d’ascendance, mais à côté. Cela signifie que la cheminée d’ascendance n’est plus détruite et qu’elle forme en plus une wind-shear verticale extrême avec le courant descendant. À la zone limite se forme une très grande turbulence, visible par d’imposants rouleaux de nuages (arcus). Ceci peut provoquer de très forts coups de vent au sol (parfois plus de 100 km/h) sur ce qu’on appelle le front de rafales (à la limite de l’air chaud ascendant et de l’air froid entraîné vers le bas par les précipitations et qui, une fois au sol, s’étale horizontalement).
3. Dans cette masse d’air très chaud, il arrive souvent que des dépressions thermiques se forment. Celles-ci prennent généralement naissance en Espagne ou dans le sud de la France, puis remontent dans le courant général. Si l’une de ces dépressions arrive sur le centre ou l’est de la France, par exemple, le vent tourne à l’est, voire au nord-est dans les basses couches chez nous. Au-dessus, dans les couches moyennes, le vent continue à souffler du sud. Cette importante wind-shear horizontale, dans des conditions idéales, pourrait imprimer un mouvement rotatoire à l’orage (supercellule) avec risque de tornade. Ce phénomène reste toutefois rare dans l’air tropical continental. Par contre, une supercellule de type LP (low precipitations) a plus de chances de se produire si l’environnement général, quoique très instable, reste plutôt sec dans son ensemble. Ce genre d’orage ne donne des précipitations que sous une partie restreinte du nuage, mais là, les phénomènes sont très violents avec possibilité de grêlons énormes. Des tornades ne sont pas à exclure non plus sous ce type de cellule, quoique restant très rares chez nous.
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